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... et Compostelle par ci, et Compostelle par là...
20 mars 2008

LE PREMIER JOUR, PRINTEMPS

      Non, mais, franchement, que signifient 2000 km à pieds pour une jeune femme en bonne santé , qui dispose de tout son temps, pas dispendieuse pour deux sous et qui aime bien faire la maline ?  Je vous le demande. Ce fut tout simple, vous savez:  J'ai tiré ma porte et j'ai mis un pied devant l'autre. C'est tout. Moi aussi, je croyais;  non, juste un pied devant l'autre.

          Le chemin jacquaire longe mon village, alors j'ai rejoint la balise qui me faisait de l'oeil depuis quelques temps déjà; La pancarte indiquait " Arles ", par ici, " Le Puy ", par là. C'était pas compliqué.
          C'est vrai, c'est pas compliqué. Comment ai- je pu hésiter aussi longtemps, un seul instant , une once d'instant? Je pensais vraiment aller me fourvoyer  là haut dans les forêts de sapins noires, pleines de loups, dans les brumes glauques et glacées, avec  la Burle sans doute , de La Louvesc,  du Puy , de l'Aubrac et autre terre froide? C'est mon goût, ça, la froidure et le vent? Parce que, au début, en effet , je pensais emprunter la voie du Puy- en- Velay, la plus classique, la plus connue,  la  plus traditionnelle , plus évidente. Je pouvaisprendre le car jusqu'à Valence, le train jusqu'à Lyon puis encore le train pour Le Puy ; Mais pour un départ, ça n'a aucune allure, franchement!  Ou Léo, qui m' avait proposé de m'accompagner pendant  les  50 premiers kilomètres, c'est confortable de démarrer à deux! ...  Ou encore Alex qui retournait en Lozère en voiture, c'est bien le co-voiturage!... Il avait fallu l'inquiétude  alarmée et bienveillante de Paul pour me souligner que les gîtes risquaient d'être  encore fermés, que la neige au mois de Mars n'a rien d'exceptionnelle là-haut , que je risquais le dégoût, le découragement, le renoncement  même , et ce, dès  le début! Alors, j'avais réalisé  que mon biotope se situe plus vers le midi que vers le grand nord. Je le savais bien pourtant!...  Et puis , zut! , je vous dis que je pars de chez moi et direction soleil! Je choisis d'aller à Compostelle par la voie de Arles. 
        Voila, quoi; quand je dis "pas compliqué", c'est juste que ça ne  devrait pas; ça ne  devrait pas être compliqué d'aller là où on a envie d'aller, à l'exclusion absolue  de là où on n'a pas envie d'aller. Bon, je me comprends; et je repense à une patiente, cette patiente en instance de séparation depuis des années et qui ne parvient pas à vivre sans lui ...  Nous proposions, ce matin là, un choix entre deux activités: dessin ou pétanque. Avec enthousiasme, elle choisit la pétanque. J'étais étonnée de son choix , aussi, lors de la partie, quand je vis qu'elle commençait à rêvasser au lieu de jouer, ne la sentant pas passionnée, je lui ai  demandé les raisons de son choix. Pensive, elle me confia:" Jusqu'alors, j'aurais juré que c'était moi qui adorais jouer à la pétanque, en fait,  je comprends que c'était  mon mari...". Qui m'avait soufflé,  à moi, qu'il m'était indifférent de choisir Arles ou Le Puy?

          Donc, pas compliqué,  j'avance le long du Rhône, je suis les balises, c'est tout droit , c'est tout plat, c'est facile, je souris. Le paysage m'est bien connu. La flore initiale semble préservée, coincée entre le Rhône et les coteaux on n'entend pourtant ni la route nationale, ni le train. D'ailleurs je vais bon. Train. Je me félicite et je dépasse Saint- Péray, puis Guilherand-granges, allègrement. . Ca y est, j'ai dépassé Valence, où je vais travailler chaque matin en voiture depuis des siècles ( en vélo, l'été, parfois, quand les enfants étaient en vacances gardés à la maison, quand le vent le permet, pas les jours de grosse chaleur,  ni de pluie bien sûr, quelques fois ). Les gens vont travailler, ils vont vite, ils me pètent à la figure car ça fait un moment que  j'ai perdu les balises jacquaires ( autant vous prévenir dès le départ, je ne suis pas futfut, je ne sais pas lire une carte et je ne comprends pas toujours ce qu'on m'explique )  mais, pas grave!, je  vais longer la N86. L'idée, c'est  de faire du chemin, d'avancer . A Arles, en Arles,  ça commencera vraiment, j'ai décidé. Pour l'heure, considérons qu'il s'agit d'une mise en bouche. Allez!" un kilomètre à pieds...".  Je fais mes classes. Allez, tout droit!  Finissons en. Le Rhône, juqu'à Arles.  Bon, sans le sac, c'est sûr, j'irais plus vite!... Je m'arrête dans les abris- bus, des petites haltes sans charme où  je m'écroule en biais sur le banc, mon sac m'entraîne, m'allège et me repose et la vie est douce.  La  route,  c'est  pas marrant,  c'est bruyant, ça  pue, c'est  dangereux mais, bon! Et je continue, j'avance, c'est lourd. Charmes. Saint Georges- les bains. Ca tire. Bon, ce qui est fait ne sera plus à faire. "...Ca use, ça use."... Si lourd!  Faim soif, pipi, tout ça, on verra plus tard. Les camions me pouêtent- pouêtent tant qu'ils peuvent. Les trottoirs, c'est en ville.  Je me poserai à La Voulte. Un petit hôtel tranquille, une douche, un lit. ... Bien à plat dos... Bien dur. Bien chaude la douche. Longtemps.  Pieds nus... Et un thé...un Lapsang souchong... Ou un Earl Grey, tout simple...  J'avance. Avec une rondelle de citron... J'ai le dos arraché  je crois, les vertèbres broyées, disloquées. Maintenant, les gens rentrent du travail, ils sont fatigués, pressés de rentrer, ils vont vite. L'hôtel, il y en a un à la Voulte, encore  plus loin, à la sortie du village, il faut encore traverser le village, fort étendu, c'est bientôt fini, aujourd'hui ; Quelques marches à gravir... Trop cher! Beaucoup trop cher!... On va pas commencer!... Ou alors j'arrête tout de suite, moi!...  Alors je continue, je dépasse la Voulte, encore, je crois que je suis dans un état second, je marche. Au prochain village, c'est promis, j'arrête, j'arrête de marcher, j'arrêterai . C'est le soir,  partie de bonne heure, c'est normal,  je le mérite. C'est loin Le Pouzin. Pourvu qu'il y ait un hôtel, même nul, même cher, même sale... un lit, un lit de camp, un étale-dos.

_   ...  Un peu plus loin... Au bord de la route ... D'accord... Merci..."
    J'ai mal partout, je flageole, je vacille. Mon sac m'entraine  en arrière, en avant,  le poids de tous mes péchés m'accable. Là. La croix verte qui clignote. La pharmacie. Vite. Avant que ça  ferme... Pour mes douleurs...
_   Bonjour , Madame, je voudrais de l'Aspiri...
_  ... Eh...Eh... Madame? Madame? ... Comme elle est blanche... On va l'allonger derrière...
_  ... Ah, elle revient...  Ca va?...  Ca va mieux?...
_    ... Euh... Mademoiselle, vous pouvez me dire comment on écrit les chiffres en langage SMS ?..

_
_   ... Merci Mademoiselle.
    Alors, je me redresse un peu et j'écris: "PLUS QUE 1960 KMS. BIZ"




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